vendredi 11 février 2011

Un costaud!


ETRE BETE

Elles étaient toutes jolies, espiègles, de belles robes noires et blanches et je les aimais sans réserve.
L’une ou l’autre faisaient à leurs heures des niches à Fernand.
Et moi je les honorais, une fois l’une, une fois l’autre, près de la butte aux perdrix, au bord du ruisseau, à l’abri des trembles. Elles collaboraient courageusement mes compagnes. Mais était-ce du courage ou bien cela les arrangeaient-elles ? La plupart avaient un petit au printemps et les nourrissaient avec amour.
Mes « petiots », mes tendrons - noirs et blancs - comme moi et mes douces mies, le bonheur est dans le pré.

Depuis un an j’avais encore pris quelques cent kilos et Fernand venait de plus en plus me complimenter en me chuchotant dans l’oreille des mots intraduisibles.
Je savais alors que Fernand préparait « le » voyage.
C’était l’occasion de voir un peu de paysage et puis l’ambiance du « Salon » me plaisait.
Imaginez-vous, bichonné, brossé – en damier sur le bas du dos – excusez du peu. Quelques houppettes sur le crâne et les sabots vernis.

Photographié d’un côté, de l’autre, avec Fernand, sans Fernand, avec le Président du « Salon », avec le Préfet, avec le Secrétaire du SEBN (Syndicat des éleveurs de Basse Normandie), avec le Directeur de la DG agriculture venu tout spécialement de Bruxelles – enfin, c’est ce que j’entendais – et toute une kyrielle d’enfants.
On restait au « Salon » deux nuits sur une paille jaune et craquante, fraîche, mais fraîche… un régal de douceur et de félicité.

Je savais bien que Fernand était fier ; il bombait le torse avec sa cocarde tricolore, sa coupe, ses rubans, ses diplômes et tous ses copains venaient le saluer en souriant.
Moi j’étais bien fier pour lui et puis je savais que dans quelques temps j’irais lutiner les dames de ses copains.
J’étais d’une belle fertilité disaient-ils !

Ah ce Fernand ! Un bien brave homme.

© PhVdb

Vinciane Despret, maître de conférences au département de philosophie à l’ULG
Jocelyne Porcher, chargée de recherche à l’INRASAD.
Ces deux auteurs répondent à cette question : « Quelle est la différence entre l’homme et les animaux ? Philosophes, psychologues, sociologues, anthropologues, juristes se sont attelés sans relâche à cette question. Quesl sens peuvent lui donner ceux qui vivent quotidiennement avec des vaches et des cochons dans des pratiques créatrices de liens ? Qu’en pensent les éleveurs ? »
« Etre bête » chez ACTES SUD