lundi 4 avril 2011

Des fleurs pour un tueur



Un honnête homme !

Je connaissais bien Monsieur Gilbert.

Un bon client !

Monsieur Gilbert était représentant en vins et spiritueux ; il venait régulièrement acheter des fleurs dans ma boutique de la Chaussée de W…
Pour ses « amies », il disait !
Il payait « cash » et sans ces Visa, American et autre Diner’s Gold qui pourtant commençaient à bien prendre dans le petit commerce.
Mais Monsieur Gilbert aimait payer « cash ». De beaux bouquets.
Il les aimait un peu « tape à l’œil » mais surtout ça devait sentir la garrigue ; des œillets, des roses, des anémones et en saison, toujours des mimosas, du coloré, surtout du « Coloré » !

Il venait souvent avec son chien, un grand épagneul, puis retraversait la chaussée avec son bouquet à la main qu’il avait puissante et velue et rejoignait son bureau qu’il occupait en face de la boutique.
Je ne sais pas à qui il vendait son vin, mais dans ce milieu, on ne pose pas de question.

Il était toujours souriant, aimable mais peu causant ; on sentait qu’il était du midi, enfin par là quelque part.

Rarement, je devais lui livrer ses fleurs chez lui, Place du C…
Mais ce devait être moi, ça ne pouvait être que moi ; jamais un livreur.
Sur place une femme d’ouvrage me débarrassait du bouquet, me payait (en « cash ») avec un (très) joli pourboire.

C’était en 1982.

En 1983, je ne vis plus Monsieur Gilbert ; puis je revendis la boutique deux - trois ans après.

Des années plus tard, bien plus tard, au hasard d’une lecture, cette adresse de la Place de C… me frappa l’imagination.
Un livre de Marcel Leclerc, un flic de la « crim » à Paris étalait sur plusieurs pages les exploits du clan Zemmour.

Un gang notoire à Marseille et Paris dans les années 60 à 80. Ils ne finirent pas dans leur lit !

1947, mort de Roland Zemmour. Mort violente.
1975, mort de William Zemmour. Mort violente.
1983, mort d’Edgard Zemmour. Mort violente.
1983, quelques mois après son frère, Gilbert Zemmour est abattu en promenant son chien.

Le frère cadet Théodore se rangera tôt de cette « scoumoune » et s’en sortira en disparaissant.

Associés à des truands lyonnais, ils se feront appeler dans les années 70 le « Clan des Siciliens ».

Eh oui ! J’ai connu un « honnête homme » !... Sans le savoir !

© Ph.Vdb