mercredi 21 mars 2012

Dieu est mort lors du "Big Bang"


Holocauste

Il y a quelques années mon fils et moi avons visité deux lieux de mémoire de la guerre 40-45. Il s’agissait, dans le cadre d’une visite de groupe organisée par une grosse structure syndicale, de prendre conscience de l’horreur et des atrocités qui menacent encore et toujours notre fragile démocratie.

Vous vous en doutez, amis belges, le premier lieu de mémoire fut le fort de Breendonk.
Ce camp de transit et d’enfermement de détenus politique, pour la plupart, était l’archétype de la cruauté absurde que peut infliger des hommes à d’autres hommes. Curieusement Beendonk, dans ce sentiment d’oppression et de profonde révulsion laisse planer un espoir.
Un espoir, car il symbolise un jeu pervers de destruction et de reconstruction dont l'humain sort gagnant.
Des brutes s’y sont prit de mille façon pour réduire l’homme au statut de bêtes et les gardiens se complaisaient à faire creuser, combler, recreuser, recombler encore et encore des fossés inutiles et dont on peut voir encore aujourd’hui les traces éclatantes de la bassesse humaine.
Une galerie de portraits des tortionnaires écoeurante, mais surtout les témoignages des efforts fournis par les prisonniers pour garder une humanité solidaire sont poignants.
Curieusement tout cela reste à peu près supportable.

Mais en arrivant à la caserne Dossin à Malines, il en va tout autrement.

La caserne Dossin était un centre de regroupement des juifs raflés en Belgique avec la complicité évidentes des autorités de la Belgique occupée. Ensuite, de cette caserne équipée d’une sinistre gare, s’ébranlaient les trains vers les camps d’extermination.
Ce très beau mémorial en souvenir des juifs disparus dans l’holocauste présente d’abord les souvenirs heureux et pathétiques d’une population laborieuse et souvent pauvre d’avant guerre.
La symbolique des couloirs de la mort, avec ses témoignages douloureux, est bien plus dur et le silence se faisait de plus en plus en plus oppressant tout au long de la visite au sein de notre groupe.
Mais le point d’orgue de cette visite se situe dans la dernière salle.
Petite salle de projection où une voix « off » mais bien réelle raconte le retour miraculeux d’un père juif dans sa maison d’Anvers après sa libération du camp.
Le vieux monsieur raconte en mots simples, émus et plein de tristesse tragique sa vie « d’avant », son retour et l’arrivée dans ce qui était sa maison et revoit dans le couloir d’entrée les deux vélos de ses petits garçons qu’il ne revit jamais.

Le groupe… mon fils, moi-même avons pleuré ; en silence, avec pudeur, sans pouvoir dire un mot.

© Philippe Vandenberghe

Hans Jonas (1903-1993) inspiré par Rabbi Isaak Luria (1534-1572) : « Dieu renonce à sa propre divinité ayant pour conséquence son impuissance. C’est la brisure des vases, dans le scénario cosmologique de Luria, censés retenir les parcelles de divinité. Cette réparation incombe à l’homme. L’homme doit ainsi dire aider Dieu ».
In : Hans Jonas « Le concept de Dieu après Auschwitz » 1994 © Payot
Paul Ricoeur (1913-2005) : « La mort en histoire a la charge des morts de jadis dont nous sommes les héritiers. L’opération historique tout entière peut alors être tenue pour un acte de sépulture (…) Le travail de deuil sépare définitivement le passé du présent et fait place au futur ».
In : Paul Ricoeur « La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli » 2000 © Seuil


   23705 juifs sont partis de la caserne Dossin à Malines et ont péris dans les camps de la mort.