mercredi 18 août 2010

Ce cher Oleg


Guerre Froide

A l’exposition universelle de Bruxelles en 1958, j’avais 7 ans.
On l’appelait l’ « Expo 58 » et j’en ai des souvenirs autant vivaces qu’incroyables.
Mais ce dont je me souviens avec le plus d’acuité c’est la frayeur, devrais-je dire la terreur, que je pus observer chez mes parents lors d’une visite du pavillon russe.



Ce pavillon gigantesque, haut et rond fait d’un mélange de froideur et de pompe, présentait un amoncellement de tout ce que l’Union Soviétique faisait de mieux en conquête spatiale – on y voyait pendre du plafond le Spoutnik, premier satellite de l’espace – mais aussi les avancées dans tous les domaines scientifiques et il faut l’avouer, les russe étaient très forts en vulgarisation scientifiques.
Cela ne pouvait que plaire à un gamin comme moi curieux de tout et de machines en particulier.

Au détour d’un couloir présentant les progrès de la médecine, un bonhomme, en tablier blanc coiffé de ces inimitables calots des médecins psychiatres russes, prodiguait un exposé qui devait être passionnant à quelques savants internationaux.
A sa vue mon père blêmit et je l’entendis chuchoter à l’oreille de maman : « c’est Oleg… on fout le camp ».

Je fus agrippé sans comprendre et en deux minutes nous étions sur l’esplanade à l’abri dans la foule. Je n’y comprenais goutte. Mes parents étaient terrorisés, blêmes, muets et puis, le souvenir de ce moment effrayant s’estompa dans ma mémoire.

Quelques années plus tard, un jour que nous évoquions ces souvenirs de l’ « Expo 58 » en famille, je demandai à mon père : « Mais papa, qui était ce Oleg ? ».

Alors papa nous fit le récit le plus inquiétant que j’entendis de ma vie. Au début des années 50, au Congo, mon père était en poste en pleine brousse sur la Lulua. Nous y occupions un des rares bungalows du poste. Quelques autres blancs et nous-mêmes formions donc une toute petite communauté où chaque personne jouait son rôle de bon colon.

Papa qui avait été « vaguemestre » dans l’armée française dans les années 40 cumulait donc cette fonction de postier en plus de celle de comptable pour la Société d’élevage qui l’employait. Cela lui laissait peu de temps et les mois passaient en labeur acharné entrecoupés de quelques chasses dans la brousse avec un ou deux copains.
C’est au cours d’une de ces chasses au léopard que le petit groupe découvrit le cadavre de Hermann O., citoyen helvète, pasteur baptiste, botaniste original et coureur de brousse le plus souvent seul, ce qui lui avait plus d’une fois été déconseillé.
Le cadavre gisait quasi nu au détour d’un sentier en latérite, les orbites déjà éclatées et crevées par les vautours, mais l’impact au milieu de la poitrine provoqué par une balle de gros calibre ne laissait planer aucun doute sur la cause du drame.

Hermann O. avait été assassiné.

De retour en catastrophe au poste, toute la petite communauté avait été solidement ébranlée et dans les semaines qui suivirent un Administrateur Territorial fut nommé pour prendre en charge l’enquête et choisi papa et deux « boys » de confiance pour l’aider dans cette tâche.

On se rendit vite compte qu’avait disparu du poste assez rapidement un des prospecteurs russes qui officiait pour le « Groupe Minier du Sud Kassaï ».

Le fameux Oleg.

Les fouilles des habitations des deux protagonistes et les résultats de l’enquête firent apparaître une bien curieuse histoire.
Le bon pasteur baptiste s’avéra être surtout un botaniste hors pair dans la recherche de plantes psychotropes et hypnotiques. Le bonhomme était, on le découvrit un « honorable correspondant » d’une société pharmaceutique dont le siège, oh hasard !, était basée à Genève.

Quant à Oleg – ce qui ne devait pas être, on s’en doute, son vrai prénom – on ne le retrouva jamais ; jusqu’à ce jour maudit où mes parents revirent au détour d’une salle du pavillon russe de l’ « Expo 58 » le visage bien reconnaissable de Oleg, médecin psychiatre et sans doute agent du KGB qui à l’époque enfermait arbitrairement tout opposant en hôpital psychiatrique en les détruisant à petit feu à coup de drogues aussi mortelles que variées.
Une belle promotion pour un assassin sans scrupule.

© PhVdb

3 commentaires:

Pivoine a dit…

Wouah! J'adore !!!

Anonyme a dit…

Ah, ah !
AAAAAAAAA !
Hahahahah !
Au choix.
J'adore, c'est bien construit,avec une belle économie de moyens pour nous camper un univers, une époque. De plus on y croit, ça pourrait être vrai. C'est peut-être vrai, mais cela n'a aucune espèce d'importance. Ce qui compte, c'est comment tu nous accroches avec ce court récit. Et puis, moi, je trouve que c'est plein d'humour ! Merci Flupke, continue comme ça.
J'attends la prochaine dans la veine "thriller, sexe et suspens". Tu as les ingrédients : au boulot, fjeu !Rolande

sable du temps a dit…

en 1958, le T.P.I. n'était pas au programme...dommage!